TEN-T est le nom donné aux 9 corridors logistiques transeuropéens dessinés et décidés par les experts de la Commission européenne en quête d'un marché unique européen plus fluide. FENIX s'empare de la brique des flux d'informations de ce projet pharaonique et propose un socle technique à l'échange d'informations aligné avec le règlement UE 2020/1517 (donc l'eFTI). 11 sites pilotes ont piloté d'avril 2019 à mars 2022 dans 9 pays, les résultats ne sont pas encore disponibles mais l'éventail des initiatives testé est large.
Don't you start no fight :Un entrelacs de Mikado
TEN-T pour Trans-european transport network ou Réseau transeuropéen de transport qui ambitionne depuis 2013 et le Réglement UE 1315/2013 de faire converger les infrastructures avec les solutions digitales pour lever les goulots d'étranglement, renforcer la cohésion du territoire européen vers un marché unique européen, privilégier des modes de transport plus respectueux de l'environnement et accélérer l'intégration des nouveaux pays membres.
Ça se passe en deux phases correspondant à deux réseaux cibles :
- Le Core network (Le noyau du réseau) visé pour 2030
- Le Comprehensive network (Le réseau exhaustif) visé pour 2050.
Le TEN-T est en interaction avec d'autres projets européens, notamment deux d'entre eux :
- L'ERTMS (European Rail Traffic Management System) qui unifie la façon d'opérer les voies ferroviaires en assurant les aspects sécuritaires.
- Le Motorways of the Sea que vous pouvez apprécier réalisé sous Paint, peut-être l’œuvre démoniaque d'un stagiaire espiègle de la Commission européenne, mais qui est avant tout un sujet de politique commune des transports depuis 1996 et en gestation depuis un livre blanc de la Commission en 2001. Et qui a dû être victime de son succès en librairie puisque les liens URL qui y mènent sont en état de mort cérébrale en vue de décongestionner les routes terrestres européennes.
En avril 2019, la Commission lance un process de consultation et de réexamen du projet TEN-T, qui devait aboutir au deuxième trimestre 2021. Les dernières nouvelles en date semblent dater du discours de la commissaire au transport Adina Vălean sur les premiers résultats due la révision.
See me ride out of the sunset : Une zone gargantuesque
Une carte interactive permet de visualiser le tracé des corridors de base (i.e. ceux définis par le Réglement UE 2021/1153 du 7 juillet 2021 sur la mise en place du MIE - Mécanisme pour l'interconnexion en Europe) et d'y superposer les infrastructures associées (nœuds multimodaux, stations de recharge de carburants alternatifs type hydrogène, stations de charge de véhicules électriques…) ou les indicateurs de conformité à divers projets européens comme l'AFIF (Alternative Fuel Infrastructure Facility) mené par le CEF (Connecting Europe Facility). S'ils ne descendent pas jusque Lambaréné comme au temps d'une Europe plus coloniale, les neuf corridors dessinent un maillage serré autour des grands axes transeuropéens.
Le TEN-T est la mère nourricière de trente projets prioritaires depuis 2014 et le lancement du MIE. Sur la période 2014-2020, 6 projets (axes ferroviaires à grande vitesse, axes ferroviaires transfrontaliers, aéroport de Milan, Pont de l'Öresund) ont abouti et 26 milliards € engagés sur un total de 250 milliards estimés pour le projet complet.
Les éléments du TEN-T sont :
- Réseaux principaux : routier, ferroviaire (coordonné par RailTeam), aérien et de voies navigables
- Réseaux combinés : rail-route, fleuve-route
- Infrastructures : Ports de navigation intérieure, aéroports
- Réseaux de gestion : Trafic maritime intérieur, espace aérien, navigation aérienne
Je pensais qu'on allait parler de FENIX. Vous
Wolfgang Amadeus FENIX : Une alliance virtuose
Merci de suivre et de remettre l'église au milieu du village. FENIX est un fer de lance du TEN-T, une égérie du DTLF, un étendard de l'interopérabilité transeuropéenne. C'est l'occasion de renouveler une prière liturgique bien connue mais dont on ne se lasse pas : la litanie des acteurs de la chaîne de transport. Exportateurs - au commencement de tout, Transitaires - les seuls à naviguer dans les eaux sombres des intermédiaires en cascade, Fournisseurs d'infrastructures de mobilité - sans qui l'on n’est rien, pourtant trop souvent oublié, Édiles et Autorités officielles - maux nécessaires ou garants de l'équilibre, ils n'en restent pas moins centraux et parfois mal outillés pour répondre à la soif digitale de leurs interlocuteurs. Tous ces acteurs échangent des monceaux de données, FENIX apporte sa pierre à l'édifice de la construction d'un écosystème qui prône l'interopérabilité au profit des acteurs historiques mais aussi des futurs acteurs et plateformes qui ne tarderont pas à émerger sous l'impulsion des réglementations, technologies et autres disruptions 4.0.
J'ai déjà entendu ça quelque part. Vous
Probablement dans la quasi-totalité des articles de ce blog qui s'attache à livrer des variations subtiles et légères du thème de l'interopérabilité comme Glenn Gould décline les variations Goldberg (chez Columbia ou CBS, on vous laisse le choix, efti.io ne sera jamais dogmatique).
La fédération FENIX se matérialise au premier plan par un cadre (framework) logiciel de partage de données sécurisé. Quand on parle de TEN-T, il faut imaginer que les flux physiques vont de pair avec des corridors digitaux. Fédération puisque l'écosystème est décentralisé et appartient à tous les participants qui sont sur un pied d'égalité et suivent la gouvernance fédérée. La gouvernance fédérée spécifie notamment les modalités pour devenir membre et les aspects techniques de l'implémentation des connecteurs vers la plateforme FENIX (FENIX Connector). Ça, c'est l'aspect tactique d'une fédération. L'aspect stratégique, c'est de dessiner une vision, établir les concepts, le socle théorique. Enfin l'aspect opérationnel, c'est de fournir l'architecture technologique qui sert de socle pratique.
C'est ERTICO l'orchestrateur en chef, et GS1 Germany est également très actif (ceux des EDI). ERTICO (pour European Road Transport Telematics Implementation Coordination) a été fondé en 1992, administré par plusieurs acteurs de la logistique et en partenariat avec bon nombre d'acteurs clé du marché. Le but est de promouvoir un ITS (Intelligent Transportation System), autrement dit un standard d'industrie qui vise l'interopérabilité (What a surprise !) à travers la télématique - terme fabuleusement suranné qui nous ramène à l'inénarrable époque du Minitel et de la toute-puissance éphémère de l'industrie informatique française -, comprendre l'échange de données entre des machines. Dans la valse à mille temps des acronymes, retenons qu'ERTICO a fusionné deux standards (GATS et ACP) en un standard XML unique en 2003 : le GTP (Global Telematics Protocol), au sujet duquel les informations sont peu nombreuses.
Counting all different ideas drifting away : Technicité tous azimuts
Les principes de conception du réseau FENIX sont :
- Décentralisation : Le réseau appartient à tous
- Ecosystème de partage de données et de services
- Intégrité et souveraineté des données
On ne s'immiscera pas dans les anfractuosités les plus sombres de l'architecture de FENIX, néanmoins l'esprit des solutions envisagées pour satisfaire ces principes vaut d'être abordé. Un premier point qui se veut rassurant, c'est que chaque acteur conserve (ou adopte s'il doit faire un saut technologique) une plateforme indépendante de FENIX, par plateforme on entend un logiciel, un ERP, un fournisseur de services, votre machine à écrire et vos cartes perforées. Les logiques, les rouages et la gouvernance de chaque plateforme ne bougent pas, mais chaque plateforme devra créer un lien vers son connecteur FENIX (FENIX connector) qui intègre, lui, toute la mécanique spécifique au réseau fédéré et possédera quelques connexions vers les autorités officielles, les organismes de certifications et autres institutions publiques. Et ce sont les connecteurs FENIX qui communiquent entre eux plutôt que les plateformes des clients. En effet, l'histoire a achevé de prouver que l'incommunicabilité des ERP est à la hauteur de l'incommunicabilité des êtres humains, si vous n'en êtes pas convaincu, on vous envoie la preuve par fax contre deux timbres. Et cela étant dit, il est à noter que les connecteurs ne se chargent pas de la traduction du message, simplement de son transport à bon port.
Chaque connecteur remplit trois fonctions : Gestion de l'identité (Identity management - IDM), Echange de données (Data exchange - DXC) et Intermédiaire (Broker) :
- Côté IDM, c'est toute l'artillerie des Certificats, protocoles TLS v1.3 et HTTPS, chiffrement RSA, AccessToken, Oauth 2.0 et autres socles JWT.
- Côté DXC, FENIX prévoit soit de l'échange EDI classique, soit la définition d'API (vers la jsonification du monde), soit l'utilisation d'un queuing system (RSS et Atom en sont des formes publiques et archaïques - malheureusement trop peu plébiscitées pour un internet libre mais je m'égare). Il est également important de noter que lors de l'échange de donnée entre connecteurs, le message initial n'est pas retouché, il n'est qu'encapsulé dans une enveloppe plus grande. En d'autres termes, les plateformes restent responsables de l'interprétation du message.
- Côté broker, il permet à un connecteur d'obtenir le catalogue des ressources d'un autre connecteur pour savoir ce qu'il peut se mettre sous la dent. Et dans un deuxième temps, si le propriétaire a autorisé l'accès, ce broker peut faire la demande pour obtenir la ressource à proprement parler, c'est-à-dire le contenu de la donnée. Tout cela de manière standardisée, évidemment, nous nageons en plein délice interopérable s'il est besoin de le rappeler. Un exemple simpliste serait celui d'un Terminal A et du Navire B. Premier temps : A demande à B son catalogue : il a le nom du navire, le code LLoyd, l'ETA, le port d'escale précédent, le prochain port d'escale. Deuxième temps : A demande l'ETA à B qui lui renvoie si le propriétaire de B a spécifié que A était autorisé à consulter cette donnée.
Si vous avez la nausée, dites-vous les connecteurs FENIX sont intéressants parce que ça permet à chaque acteur de conserver son logiciel sans avoir à utiliser un logiciel tiers pour accéder à l'information des autres. Les plateformes sont authentifiées auprès du réseau FENIX (via les connecteurs) et ça évite d'avoir à identifier les utilisateurs entre les connecteurs. Et cette surcouche garantit l'essentiel : la confidentialité et la mise en sécurité des données.
From a mess to the masses : De la théorie à la pratique
À l’instar de FEDeRATED, FENIX est pressé d'éprouver ce qui sonne bien sur le papier, ce socle théorique, cette vision, ces vœux pieux diront les mauvaises, ces paroles qui n'engagent que ceux qui les croient, diront ces mêmes langues persifleuses. Il se rêve à un avenir différent du démonstrateur Superphénix et espère bien être un démonstrateur de la faisabilité d'un réseau transeuropéen et des bénéfices qu'il engendre. Gageons que FENIX est un réacteur d'initiatives dont découleront, en chaîne, de nombreux autres mouvements. Et nous voilà encore face à une métaphore dont on perd le contrôle puisque la similitude avec un réacteur nucléaire ne s'arrête pas là. Un réacteur nucléaire a beaucoup d'inconvénients, qui ne nous intéressent pas ici, mais il a la vertu d'émettre peu de GES par rapport à ses alternatives. C'est bien l'un des objectifs de FENIX que celui de promouvoir les bénéfices environnementaux de l'écosystème à venir.
On parle au présent, mais en réalité, le cœur de FENIX est du passé récent. Les onze sites des neuf pays pilotes se sont déroulés d'avril 2019 à mars 2022. Trois ans de mobilisation de 43 partenaires, 2 États membres et 60.6 millions €. De nombreux documents sont disponibles et décrivent certaines lignes du projet : architecture, site pilotes, cas d'usages, spécifications et bonnes pratiques. L'entrée en matière est abrupte, mais le document D2.1.1 est largement fourni en détail à propos des pilotes et des cas d'usage associés et les connexions avec l'eFTI.
Le document D6.2.2 est probablement une introduction plus progressive qui détaille par le menu les bénéfices et les axes de réflexion à l'issue du cas d'usage UC5b (Use case) lors du pilote au port de Trieste PS IT1 (Pilot site for Italy #1) au croisement entre deux corridors TEN-T (Mediterranean corridor, Baltic-Adriatic corridor). L'UC5b teste l'intégration du TM2.0, outil de Traffic Management développé par SWARCO et adoubé par l'ERTICO, au sein d'un réseau FENIX pour poser les bases d'une gestion collaborative du trafic dans le port et d'un accès harmonisé à l'information, notamment pour les chauffeurs de camions. Ce document de juillet 2020 décrit le principe et laisse ouverte la question de la faisabilité de l'interopérabilité. Reste à savoir ce qu'il en est aujourd'hui.
This document intends to provide a high-level description of TM2.0 services aimed at tackling the lack in sharing available interoperable and interconnected data in the supply chain (?) and logistics – this represents the main challenge of the FENIX project. FENIX_Deliverable_6.2.2_FINAL. PDF - juillet 2020
Il y a encore à dire et à venir sur le sujet : la contribution de FENIX aux lignes directrices du Subgroup II du DTLF, le retour d'expérience des sites pilotes, les conclusions de l'étude parue en avril 2022 auprès de 122 sondés, les présentations de l'atelier technique des 11 et 12 mai 2022 et le congrès européen de l'ITS du 30 mai au 1er juin prochains. Il y a également des projets européens frère comme AEOLIX (Architecture for European Logistics Information Exchange) et SELIS (Shared European Logistics Intelligent Information Space) qui rejoignent parfois les objectifs portés par FENIX e.g. la réduction des émissions de CO2 et de NOX pour AEOLIX.